Ce mardi 20 mai, la commission d’enquête parlementaire sur les plans de licenciements auditionnait la direction française du groupe ArcelorMittal.
Assumant la stratégie de pompage des aides publiques et de distribution massive de dividendes aux actionnaires au mépris de l’investissement réel et de l’emploi, le Président d’ArcelorMittal France monsieur Le Grix de la Salle nous a livré une information capitale et à bien des égards hallucinante.
Lui-même, ainsi que monsieur Mittal, dirigeant mondial du groupe, ont été reçus à l’Élysée mi-mars par le Président de la République en personne et ont évoqué la situation du groupe et de l’acier en Europe. Sous serment, monsieur Le Grix de la Salle nous affirme que jamais la question des 636 emplois dont la suppression a été annoncée le 23 avril n’a été abordée au cours de cet échange.
Aucune entreprise ne prend de telles orientations stratégiques à la dernière minute et à la légère. Il est donc impossible que la décision révélée en avril de ces licenciements brutaux n’ait été actée – ou à minima sérieusement étudiée – en mars. Mittal savait qu’il allait briser 636 familles, plonger dans l’angoisse des territoires entiers et fragiliser gravement l’industrie sidérurgique française.
Deux options se présentent alors à notre analyse :
Option 1 : Monsieur Mittal a caché au Président de la République ces informations dont aucun participant ne pouvait ignorer la portée dans l’actualité. Il serait alors permis de s’interroger sur la compétence d’Emmanuel Macron pour qu’un groupe industriel, ancien fleuron français, ose berner de la sorte le Président de la République. Cette faiblesse du plus haut dirigeant de l’État, qui s’est par ailleurs mué en VRP des investissement étrangers en France, renforcerait le discrédit de la France et de sa capacité à faire respecter ses territoires, ses ouvriers, le bon usage de ses deniers publics, un cap industriel et économique guidé par nos intérêts nationaux et l’intérêt général.
Option 2 : le Président de la République a délibérément choisi de ne pas interroger ses interlocuteurs sur leurs intentions parce qu’il connaissait la réponse et acceptait de fait, sans même essayer d’argumenter ou de chercher des alternatives, les suppressions d’emplois. Emmanuel serait alors complice de cette décision inacceptable. Cette duplicité d’un Président déjà largement acquis à la cause des ultra-riches et des multinationales serait synonyme de forfaiture.
Dans les deux hypothèses, le Président Macron a manqué à son devoir, à ses obligations morales, politiques, économiques et sociales. Le chef d’État d’un pays qui soutient financièrement dans d’aussi grandes proportions les grandes entreprises, qui prétend vouloir défendre l’industrie et la souveraineté de sa nation, ne peut pas omettre d’interroger ses interlocuteurs patronaux sur leurs intentions en matière d’emploi.
Le Président de la République doit s’en expliquer.
Après avoir balayé d’un revers de main la possibilité d’envisager une nationalisation temporaire, et sans avoir esquissé de proposition crédible pour sauver ces emplois et nos outils industriels, Emmanuel Macron ne peut s’exonérer de ses responsabilités. Il doit rendre des comptes. Il le doit aux salariés qui vont perdre leur emploi, à leurs familles, aux élus et acteurs des territoires concernés, et aux Françaises et Français qui attendent de leurs dirigeants un engagement sans faille pour l’intérêt général, l’emploi, la souveraineté industrielle du pays.
Cette situation n’est malheureusement pas un cas isolé. Les témoignages nombreux que nous recevons sous serment lors des auditions de notre commission d’enquête révèlent de façon étayée la démission des gouvernements macronistes face aux vagues de licenciements. Plusieurs points qui se suivent forment une ligne. Ici, c’est celle de l’abandon des salariés et de l’industrie française, de la soumission aux actionnaires. Nous devrons en tirer les conséquences.
Benjamin LUCAS
Député Génération.s
Rapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur les défaillances des pouvoirs publics face aux plans de licenciements