La nuit électorale américaine restera dans nos mémoires comme la réplique amplifiée d’un séisme maintes fois commenté. Une fois encore, et cette fois sans doute en pire, l’extrême droite va gouverner la première puissance militaire du monde. C’est une tragédie.
Envoyons ce matin nos vœux de courage à toutes celles et tous ceux qui se mobiliseront dans les 4 ans à venir pour protéger leur pays de la haine, des manipulations, de la bêtise crasse de ce milliardaire inapte à diriger et de ses séides. Les nouvelles des réélections de figures de la gauche américaine comme Bernie Sanders, Elizabeth Warren, Alexandria Ocasio-Cortez ou encore Ilhan Omar sont des points d’appuis pour croire en une résistance démocratique solide face au trumpisme.
Leur tâche sera difficile.
En 2016, on pouvait encore balbutier l’espoir d’une sortie de piste, d’un coup de sang temporaire du peuple américain, d’une loi électorale archaïque, pour atténuer le vertige de la victoire de Trump.
Mais en 2024, c’est avec un soutien massif et en connaissance de cause que le peuple américain a choisi un sale type, sexiste, raciste, poursuivi pour des délits et des crimes importants, qui a fomenté un coup d’État contre la démocratie qu’il avait pourtant prêté serment de préserver, protéger et défendre.
Ainsi il nous faut comprendre qu’une démocratie peut se suicider, de l’intérieur, en portant à sa tête ceux qui ne rêvent que de la détruire. C’est plus qu’une alerte. C’est le signe qu’il nous faut repenser notre logiciel, nos codes, nos réflexes, et chercher à faire vivre partout et tout le temps la démocratie qui se meurt de tant de renoncements, d’abandons successifs, de coups de mentons qui fissurent des édifices que l’on croyait bâtis pour des siècles.
Il faudra aussi, surtout, passer le stade de la lamentation, du jugement moral, des analyses tactiques pour aller au fond de la question posée à la gauche au sens large et mondial du terme : son récit, son idéal, ses combats.
Le camp du progrès est confronté partout dans le monde à une panne de projet qui entraîne les peuples.
L’internationale néofasciste propose, elle, une grille de lecture, une vision du monde avec sa cohérence. Elle s’appuie sur une montée des racismes partout à travers la planète et sur les peurs, les colères, les déceptions de millions de gens qui ont le sentiment que leur génération vit moins bien que les précédentes.
On peut et on doit se pincer le nez devant la misérable instrumentalisation de ces colères, la désignation de boucs émissaires et la prolifération de vérités alternatives qui nient l’intelligence et la science.
Mais nous devrions surtout nous atteler à répondre aux angoisses du quotidien des classes populaires et des classes moyennes, à cette anxiété du déclassement qui frappe tant de nos sociétés, à cette indécence des injustices et des inégalités, à cette accélération du temps de l’information.
Pour cela il faudra assumer des ruptures avec un modèle néolibéral qui va dans le mur et menace jusqu’à la survie de l’humanité. Et projeter les imaginaires vers un avenir qui donne le sourire, qui réponde à la nostalgie d’un passé fantasmé par la perspective de conquêtes heureuses pour le futur, pour vivre mieux.