Lettre ouverte au premier ministre : été 2025, le droit aux vacances, maintenant !

27 juin 2025
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Monsieur le Premier ministre,

Le retour des beaux jours ravive en chacun de nous un même besoin : celui de s’aérer, de se retrouver, de ralentir le rythme. C’est à ce moment de l’année que les discussions s’ouvrent sur l’été à venir, que les familles commencent à se projeter, à espérer un ailleurs, ne serait-ce qu’à quelques kilomètres. Mais pour des millions de nos concitoyens, cette perspective reste hors d’atteinte.

Chaque été, un même constat s’impose, avec une régularité glaçante : des millions de Français ne partent pas en vacances. Ce sont aujourd’hui les classes populaires, mais aussi une part grandissante des classes moyennes, qui se retrouvent assignées à résidence. En 2023, selon le Crédoc, 4 Français sur 10 ne sont pas partis. Chez les ouvriers et les employés, ce taux monte à plus de 50 %. Chez les allocataires du RSA, il dépasse les 70 %. Non parce qu’ils ne le souhaitent pas, mais parce que les conditions ne leur permettent plus de partir : l’explosion des coûts, le manque d’offre accessible, l’autocensure, l’isolement, l’épuisement. Pendant ce temps, d’autres partent loin, très loin, cumulent les destinations, les vols et les kilomètres, comme s’il existait une hiérarchie entre ceux qui peuvent s’extraire du quotidien et ceux qui doivent s’y résigner. 

Cette fracture s’aggrave. Le droit aux vacances est devenu un privilège, une exception, une récompense pour les « gagnants » d’un système qui produit toujours plus d’inégalités. Le droit aux vacances n’est pas une lubie récente. C’est une conquête sociale essentielle. En 1936, les congés payés ont ouvert une brèche. En 1982, la cinquième semaine l’a ancrée dans notre imaginaire républicain. En 1998, le Code du tourisme a affirmé que « l’accès aux vacances constitue un facteur d’équilibre et d’épanouissement de la personne et de la famille, et un élément d’intégration dans la société ». Et pourtant, ce droit reste largement théorique. 

Ce non-départ a des conséquences. Il prive de repos, mais aussi de lien social, d’ouverture culturelle, de nature, de souvenirs. Il enferme dans le quotidien, abîme les relations familiales, nourrit un sentiment d’abandon. Il aggrave les fractures entre territoires, entre classes sociales, entre enfances. Les vacances, ce n’est pas un luxe : c’est une condition du vivre-ensemble. C’est un levier pour agir sur la santé mentale, la réussite éducative, la citoyenneté. C’est ce qui permet de tenir, de rêver, de construire une vie digne.

Face à cette urgence sociale, nous proposons un plan d’action immédiat, composé de 10 mesures concrètes, pour faire de l’été 2025 un tournant. Un basculement. L’année où le droit aux vacances commence à devenir une réalité. L’objectif est clair : permettre à plusieurs centaines de milliers de familles de partir. Concrètement. Vite. Et dignement. Parmi ces mesures : un chèque vacances exceptionnel de 300 à 500 euros pour les familles modestes ; la gratuité des péages pour les bénéficiaires de minima sociaux les week-ends de départ ; des billets de train à 1 euro ; la mise à disposition des internats et bâtiments publics inoccupés pendant l’été ; le soutien renforcé aux colonies de vacances et aux associations d’éducation populaire ; une campagne de communication pour briser la honte et faire connaître les aides. Mais aussi la mobilisation du parc de logements touristiques vacants, la mutualisation des capacités des comités d’entreprise, et la création d’une task force interministérielle pour piloter ces dispositifs dès maintenant. Ces mesures sont finançables sans loi budgétaire, dès aujourd’hui. Par la réaffectation de crédits publics non consommés. Par la mobilisation du Fonds national d’action sociale (CAF). Par une campagne de contribution volontaire des grandes entreprises et des grandes fortunes. Par l’affectation temporaire d’une partie des dividendes publics. Par la solidarité organisée avec les collectivités et les grands opérateurs du tourisme social. 

Ce n’est pas une question de moyens : c’est une question de choix politique, démocratique, moral même. Ce plan est une mesure de solidarité, mais aussi d’intérêt général. Il est une réponse au déclassement, à l’épuisement, au sentiment d’abandon qui mine la cohésion de notre pays. Il est une première étape, indispensable, vers une politique durable de justice sociale par le temps libéré. Car évidemment, cela ne suffit pas. 

Il faudra aller plus loin. Repenser les temps de vie. Encadrer les marchés du transport et de l’hébergement. Réinvestir massivement dans le tourisme social. Faire du droit aux vacances un droit opposable, comme le logement ou la santé. Mais il faut commencer. Il faut oser dire que le bien-être populaire est une urgence politique.

Nous vous demandons de faire de l’été 2025 un été de justice et de bonheur. C’est une respiration collective, une promesse républicaine tenue, et un engagement que nous devons prendre, ici et maintenant.

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