[Blog] Faire grandir la NUPES

23 février 2023
32_VR_2_RR_preview_f16f0d1567

Faire grandir la NUPES.

A travers le débat sur les stratégies parlementaires des groupes de la NUPES naît une réflexion plus profonde sur notre avenir commun. J’essaye ici d’y contribuer au terme de quelques jours de repos.

Polémique sur les tactiques parlementaires au sein de la NUPES : halte au feu !  

Nous sommes à l’entracte du débat sur les retraites et déjà on nous abreuve de sondages au doigt mouillé pour savoir ce que les 67 millions de spectateurs-citoyens ont pensé du jeu des uns, du rythme d’entrée en scène des autres ou encore de l’éclairage. Mais c’est le dénouement qui donnera à la pièce sa saveur et déterminera le jugement général sur chaque protagoniste. Sachons nous garder à cette étape de tirer des leçons qui pourraient bien être contredites par les mêmes commentateurs dans quelques semaines à peine. Les chroniques politiques témoignent à chaque époque, y compris les plus récentes, d’analyses démenties par d’improbables et pourtant bien réels retournements de l’Histoire 

Ceci-dit, quel bon signe pour notre démocratie parlementaire que l’on commente à nouveau à ce point la vie de l’Assemblée nationale. Ne boudons pas notre plaisir, c’est au Palais Bourbon qu’à nouveau vit une part conséquente du débat public, que s’expriment les colères et les attentes d’un peuple si politique que le nôtre. Mieux vaut que les désaccords s’expriment dans l’enceinte de ce temple de la République que par la violence ailleurs ou par la résignation qui conduit inévitablement au choix du pire. 

Nous sommes au cœur d’une bataille qui touche aux fondements même de l’existence de la gauche. En menant de front le combat parlementaire, social, politique contre la réforme des retraites du gouvernement Borne, nous ne faisons pas que nous opposer à une régression d’une incroyable injustice et d’une grande brutalité, nous poursuivons l’œuvre de défense d’une certaine idée de la justice et de la dignité, consubstantielle à la naissance de la gauche, raison d’être de ses principes et justification de sa subsistances à travers deux siècles de République. 

On peut gloser sur le style, se lamenter sur telle ou telle tactique parlementaire, mais la vérité c’est que nous inscrivons nos pas dans ceux qui nous ont précédé, et que nous empruntons le chemin d’une tradition dont la gauche n’aurait jamais dû s’écarter, celui d’une voix unie pour protéger les plus faibles, ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre, ceux qui ont souffert, souffrent et souffriront des conservatismes et du néolibéralisme. C’est peut-être ce qui surprend, ce qui choque. 

C’est vrai que nous avions perdu l’habitude de voir dans notre pays un âpre combat parlementaire, tant la présidentialisation du régime, le fait majoritaire, la technocratie rampante et le grand rapprochement néolibéral des vieux partis de gouvernement avaient aseptisé un hémicycle qu’on voulait transformer en musée, ou en réceptacle d’éléments de langage d’une incroyable banalité, sans âme ni histoire. 

Le retour de la « baston » parlementaire est un signe de vivacité du débat démocratique. Faut-il pour autant ne pas entendre les craintes qui s’expriment, les jugements parfois sévères des nôtres ? Faut-il que s’y tienne sans cesse un tel niveau de tension ? Je ne le crois pas. Faut-il pour autant nous enfermer dans une mauvaise querelle et nous épuiser en dissertations stériles sur le nombre d’amendements déposés ? Je ne le crois pas davantage. 

La Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale est un outil politique récent, qui s’inscrit dans une histoire, celle de la gauche républicaine, mais la renouvelle et l’adapte à une période qui n’a rien d’ordinaire. La radicalité n’est pas née avec la France insoumise, il suffit pour s’en convaincre de lire les compte-rendu des débats parlementaires du passé, la gauche n’a pas si souvent été lisse et tiède. 

La NUPES doit trouver son point d’équilibre. Elle n’a pas à renier cette expression de la colère, qui a toujours été le moyen pour la gauche d’endiguer le fascisme, de refléter les aspirations de son camp social. Elle doit aussi, avec autant de détermination, amorcer la démonstration de sa pluralité de styles et de bases sociales et politiques pour réussir son élargissement. 

Affirmer et organiser le pluralisme de la NUPES pour préserver son unité et engager son élargissement. 

C’est un défi colossal car l’unité s’est rarement construite dans notre pays autrement que par l’affirmation d’une hégémonie d’un mouvement sur les autres. Ce fût vrai avec les socialistes de 1981 à 2012. En 2022, c’est à Jean-Luc Mélenchon, fort de son score et de sa domination sur le reste de la gauche que nous devons l’initiative du rassemblement. Envisager une nouvelle étape pour la NUPES, c’est aussi inventer les processus qui nous épargneront les affrontements à venir dont le seul but serait d’ancrer une hégémonie ou de la concurrencer au risque, dans les deux cas, de conduire à la dislocation du rassemblement. 

Ainsi, pour préserver son unité, mais surtout pour la placer en situation de gagner et de gouverner, elle doit désormais s’organiser en conséquence à l’Assemblée nationale et en dehors. 

Je vois, à ce stade, trois pistes pour y contribuer. 

1. Une nouvelle vie pour l’intergroupe parlementaire. 

La première c’est de définir un cadre de délibération parlementaire collective entre députées et députés de la NUPES. L’opportunité d’un groupe commun n’est plus discutable, il serait irréaliste de revenir sur ce choix de début de législature. En revanche, la structuration de l’intergroupe NUPES appelle des évolutions majeures. Il est temps de réunir régulièrement tous les parlementaires membres de groupes de la NUPES pour débattre collectivement par-delà leurs étiquettes partisanes en inversant le cheminement politique qui nous organise à l’Assemblée. 

En clair, nous devrions nous considérer d’abord comme membres de la maison NUPES, qui nous a fait élire, et ensuite comme ayant dans cette maison, des appartements décorés différemment, organisés librement, que sont nos groupes politiques et nos partis. Ainsi, nous pourrions délibérer toutes et tous ensemble sur le fond et sur la stratégie dans des assemblées générales de copropriété. La colocation a du bon ! 

2. Un approfondissement par la base. 

La deuxième consisterait à traduire cette dynamique parlementaire en structuration locale. Il faut donner un souffle militant, citoyen, démocratique à la NUPES. 

C’est possible en partant de la base, en organisant localement des échelons de délibération et d’action, constitués par les membres de nos partis et appelés demain à s’élargir via une forme d’adhésion directe à la NUPES. 

C’est cette base citoyenne et populaire qui serait ensuite amenée à définir les grandes orientations collectives, dans le respect de la singularité de chacune des composantes, et à arbitrer le moment venu un dispositif programmatique et humain pour mener les différentes batailles électorales qui s’annoncent et notamment celles de 2027. Il conviendra d’ailleurs sur ce point d’être suffisamment inventifs. Il est possible de déterminer des processus politiques nouveaux, évitant le schéma de primaires classiques, qui contraignent à l’exacerbation des clivages et à l’ultra-personnalisation du débat, des baronnies locales, des querelles d’écuries présidentielles, ou le fait accompli à coups de sondages qui laisse planer le risque d’un départ en ordre dispersé à la veille de la bataille électorale. 

Pourquoi ne pas nous appliquer ce que nous prônons pour la République et organiser une forme de constituante de la NUPES, confiant ainsi le soin aux citoyennes et aux citoyens qui partagent nos valeurs le soin de déterminer une organisation, un processus d’actualisation de notre projet et une manière d’en définir les porte-drapeaux ? Il pourrait naître de cet exercice grandeur nature des solutions inédites. 

3. Une refondation de l’écologie politique et de la social-démocratie. 

La troisième, qui peut paraître contradictoire avec les deux autres mais ne l’est pas, c’est de regrouper dans une sorte de coordination ou de fédération les mouvements qui incarnent autre chose que LFI. Non pour la concurrencer bêtement, mais pour contribuer à élargir la base électorale et politique construite par Jean-Luc Mélenchon au moyen de 3 campagnes présidentielles. 

La NUPES doit faire de sa pluralité une force, en laissant aux nuances une place raisonnable, en actant que son unité n’est plus négociable mais en organisant en son sein une discussion permanente pour trouver son équilibre, pour agréger largement celles et ceux qui ne lui sont pas encore acquis et seront indispensables, au terme de  10 années de macronisme et à l’aube d’un péril lepéniste dont nul ne peut nier qu’il est plus menaçant que jamais. 

C’est une forme d’Épinay « allégé » de l’écologie politique et de la social-démocratie ancrée à gauche qui peut y contribuer, avec comme débouché la consolidation de la NUPES, le refus définitif de céder aux manœuvres grossières et diffamantes orchestrées contre les insoumis, sans pour autant renoncer à affirmer des nuances et à chercher les points d’équilibre permettant à la gauche et à l’écologie d’incarner la rupture crédible et populaire dont le pays a grandement besoin. 

Il ne s’agit pas de renoncer à nos identités, ni de fondre nos cultures et nos organisations dans un grand magma, mais de bâtir les cadres de coordination des forces les plus faibles aujourd’hui et pourtant indispensables pour l’emporter et gouverner. L’écologie politique est trop petite et mal organisée à l’heure de l’urgence climatique. Le socialisme français à peine convalescent après la trahison du hollandisme. Pourtant, ces deux courants de pensée ont un rôle à jouer et, chacun, une parole singulière à faire valoir. 

Viendra le temps du leadership, mais reconnaissons qu’il est secondaire au regard de l’enjeu historique qui est devant nous : préserver la démocratie de l’extrême droite, sauvegarder un contrat social miné par des décennies de néolibéralisme et relever le plus grand défi de l’histoire de l’humanité, celui du réchauffement climatique. 

Nous avons su construire la NUPES en quelques jours au lendemain de la dernière élection présidentielle. Serons-nous capables de lui donner une vie nouvelle, durable et conquérante en quelques mois pour être ensemble l’alternative victorieuse aux néofascistes à la française qui sont aux portes du pouvoir ?  

Léon Blum terminait ainsi son dernier éditorial « Je l’espère et je le crois, je le crois parce que je l’espère ». 

Croyons-y et construisons ! 

Rejoignez la newsletter

Partagez cet article

Facebook
Twitter
LinkedIn
Email
WhatsApp

Suivez moi sur les réseaux sociaux