Assurance chômage : ma lettre ouverte au Président de la République

28 mai 2024
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Monsieur le Président de la République,

Je suis l’élu d’une circonscription populaire où la brutalité des injustices et la violence des inégalités sont une réalité quotidienne éprouvée par beaucoup de nos concitoyens.

Pas une semaine ne passe sans que ne viennent à ma permanence une mère célibatairequi doit choisir entre nourrir ses enfants ou les soigner, un ouvrier de plus de cinquante ans victime d’une délocalisation de son entreprise, pour qui le marché du travail est fermé à double tour, un étudiant qui renonce à sa formation, épuisé après avoir tenté de cumuler petits boulots mal payés et cursus universitaire, ou encore une famille aux revenus jadis considérés comme convenables qui ne trouve pas de logement salubre à un prix abordable pour vivre dignement…

La précarité gagne du terrain, le passage à la caisse du supermarché est un calvaire pour le porte-monnaie, la confiance en l’avenir s’ébranle chaque jour davantage. C’est l’état du pays, et – de mon point de vue – l’urgence absolue qui nous oblige à l’action. C’est à cette urgence que vous devriez répondre.

Pourtant, votre politique s’attaque davantage aux pauvres qu’à la pauvreté, pointe du doigt les chômeurs plutôt que le chômage. C’est sur cet aspect que je souhaite vous interpeller et en appeler à votre responsabilité pour renoncer à la nouvelle réforme de l’assurance chômage que votre gouvernement s’apprête à imposer.

Ce durcissement brutal supplémentaire des conditions de vie des personnes privées d’emploi est vécu – à juste titre – par des millions de Françaises et de Français comme une nouvelle cassure colossale de notre contrat social et un coup rude porté au pacte républicain. D’autant plus que rien n’atteste d’effets potentiellement positifs de cette réforme pour l’emploi.

La baisse de l’éligibilité à l’assurance chômage, la diminution de la durée d’indemnisation maximale et le durcissement des conditions d’indemnisation des séniors auront des conséquences sociales dramatiques dont vous ne pouvez pas ignorer la réalité.

Monsieur le Président de la République, notre régime de solidarité assurantiel ne peut devenir un outil d’ajustement des politiques budgétaires, une caisse de rattrapage pour combler des déficits creusés par votre laxisme fiscal et votre refus obstiné de faire davantage contribuer les sources d’opulentes richesses qui existent, tant chez les multinationales que chez les plus grandes fortunes du pays.

C’est un détournement inacceptable de l’esprit et du cadre de notre système d’assurance chômage. Les cotisations des salariés sont la source de leurs droits et nous ne pouvons ainsi, avec autant de brutalité, leur faire les poches.

Par ailleurs, ce régime est excédentaire. Cet excédent devrait, en toute logique, être employé pour alléger, simplifier, protéger la vie quotidienne des personnes privées d’emploi. La tradition paritariste de notre pays voudrait que les partenaires sociaux puissent décider de l’utiliser pour améliorer la formation ou les indemnités pour les chômeurs.

Se réfugier comme vous le faites derrière l’argument du « plein-emploi » ne tient pas un instant. En effet, la situation de l’emploi et du monde du travail n’a pas grand-chose à voir avec les « Trente glorieuses ». Le « nouveau monde » que vous prétendiez incarner n’est pas celui du Président Pompidou. Les emplois les moins qualifiés sont trop mal payés et les emplois nouveaux exigent un haut niveau de qualification. Ces réalités expliquent les difficultés d’un grand nombre de salariés à trouver un emploi.

Il ne suffit pas de « traverser la rue » pour trouver du travail, contrairement à ce que vous affirmiez avec arrogance et méconnaissance de la vie des Françaises et des Français.

Monsieur le Président de la République, ce nouveau passage en force, par décret et sans le consentement des partenaires sociaux ou du Parlement, fait peser sur notre démocratie sociale, si précieuse dans le cœur des Français et l’histoire de la République, un risque d’effondrement. Cette réforme plongerait encore plus de nos compatriotes dans la pauvreté et le désespoir.

Vous pouvez encore renoncer et laisser au dialogue social toute sa place et à notre système social un peu d’humanité, pour apaiser le pays et protéger les plus précaires.

Je vous prie de croire, monsieur le Président de la République, en l’assurance de mon profond respect.

Benjamin Lucas, député des Yvelines.

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