La composition du nouveau gouvernement valide ce que nous étions nombreuses et nombreux à dire depuis 2017 : il ne peut exister « d’aile gauche » en macronie.
Cette clarification du casting ministériel, marqué par les revenants du sarkozysme, est parfaitement cohérente avec l’orientation du Président de la République.
Avoir le plus jeune Premier ministre de l’histoire n’y change rien, c’est bien la ringardise absolue qui sera convoquée chaque semaine salon Murat pour le Conseil des ministres. Ringardise des acteurs, vieilles gloires de la droite ou survivants de la grande transhumance des renégats des deux camps. Ringardise du scénario, centré sur l’incantation de l’ordre, les vieilles lunes néolibérales sur le travail ou le prétendu « assistanat », sans vision moderne de l’écologie, du féminisme, d’une société qui a bougé plus vite que ses dirigeants. Ringardise du metteur en scène, un Président qui est tombé dans tous les pièges de la 5ème République et se trouve politiquement lessivé, comme en fin de règne, présentant en coup de génie des petits débauchages de fonds de tiroirs qui n’entraînent avec eux ni troupes, ni souffle, ni le commencement du début d’une idée originale pour répondre aux urgences des Français et aux grands défis de l’avenir de la France.
Mais voilà, cette ringardise marque une étape décisive dans la construction des imaginaires et la structuration du débat démocratique : le retour à la normale, la fin de l’illusion d’un dépassement du clivage entre gauche et droite. L’histoire politique est de retour, et nous devons la saisir.
Le clivage qui a construit et structuré la République est bien là, il a résisté à l’opportunisme érigé en méthode de gouvernement.
Il y a sans doute des droites plurielles mais elles sont toutes représentées au sein du gouvernement et leurs idées avec. Elles ont même trouvé matière à converger avec leurs marges les plus radicalisées et avec l’extrême droite lors du vote sur la loi immigration en décembre dernier. En clair, le bloc de droite est uni, mène ses batailles culturelles, déroule ses slogans, concepts et politiques. La gauche, toute diverse qu’elle est, et les écologistes, tout divers qu’ils sont, peuvent-ils en faire de même ? C’est indispensable.
Le brouillard qui s’était abattu sur le champ de bataille politique en 2017 est dissipé.
Allons-nous nous donner la force de l’investir vraiment, solidement, avec l’objectif de gagner ? Tout est encore possible pour la gauche et les écologistes. Allons-nous contempler en spectateurs les mouvements de nos adversaires, leurs petits coups politiques ? Nous pouvons, nous devons redevenir acteurs majeurs du débat démocratique et engager la dynamique de conquête des responsabilités.
Nous sommes à la croisée des chemins pour la gauche. Serons-nous la génération capricieuse et immature qui préfère se vautrer dans l’invective, les querelles de chapelles, les petits coups tacticiens, une vision bornée à la prochaine échéance électorale intermédiaire ? En somme, serons-nous la génération qui laissera Le Pen s’installer au pouvoir ?
Nous savons depuis le 19 décembre 2023 et le vote de la loi immigration que c’est sur nos épaules que repose le poids d’une digue républicaine à reconstruire et d’une alternative à incarner pour refonder notre pacte républicain. Alors soyons à la hauteur ! Sachons faire mouvement !
La première urgence, c’est de marquer une opposition résolue, offensive, mobilisatrice face à ce nouveau gouvernement et à sa feuille de route réactionnaire, injuste et brutale. Au Parlement, notre intergroupe doit reprendre vie pour montrer aux électrices et électeurs qui ont choisi le programme de la NUPES en 2022 que nous n’y renonçons pas et que nous sommes soudés pour en défendre les principes. Dans les mobilisations sociales, environnementales, antiracistes, féministes, internationalistes, nous devons porter des débouchés politiques et renouer avec la société engagée pour tracer avec elle une perspective d’espoir. Dans tous les territoires, nous devons irriguer le pays d’une présence militante, force de conviction pour agréger, faire mentir les sondages et les éditoriaux.
Une échéance électorale arrive dans quelques mois. Elle est une étape importante. Laisserons-nous s’installer un duo-duel entre le Premier ministre et le chef du RN ? Ou ferons-nous irruption pour offrir aux Françaises et aux Français un bulletin de vote qui leur permette de sanctionner le Président Macron tout en faisant barrage à l’extrême droite raciste et nationaliste qui menace l’Europe de dislocation et la République d’effondrement ?
Il est temps de nous retrouver autour d’une table et d’envisager, sans rien s’interdire, une liste unique, une campagne commune, des engagements partagés.
Au-delà du 9 juin, il nous faut reprendre le chemin de l’union, durable et exigeante. Il ne peut y avoir de retour aux « gauches irréconciliables » sous peine de ne jamais nous réconcilier collectivement avec les suffrages majoritaires de nos compatriotes. Je ne sous-estime pas les difficultés qui sont devant nous, et tout ce qu’il nous faudra inventer, dépasser, concéder les uns aux autres pour y parvenir. Mais avons-nous le choix ?
Voyons-nous, parlons-nous, associons à cette nouvelle étape historique pour la gauche et la République les millions de citoyennes et de citoyens qui aspirent à transformer la société !