[JDD] « Nier la xénophobie du RN : une nouvelle étape franchie dans la légitimation de l’extrême droite »

13 octobre 2023
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Lire la tribune : https://www.lejdd.fr/Politique/tribune-nier-la-xenophobie-du-rn-une-nouvelle-etape-franchie-dans-la-legitimation-de-lextreme-droite-4140569

Lors de la séance à l’Assemblée natioanle du mardi 11 octobre, la députée Renaissance Astrid Panosyan-Bouvet a écopé d’un rappel à l’ordre pour avoir qualifié le Rassemblement national de « xénophobe ». Dans un texte que publie le JDD, Benjamin Lucas, député Écologiste Nupes des Yvelines, souligne qu’il « sera donc gravé dans le marbre qu’il n’est pas permis lors de cette législature, dans le temple de la démocratie parlementaire, de qualifier le principal parti d’extrême droite en France de « xénophobe ».

Voici la tribune de Benjamin Lucas, député Écologiste NUPES des Yvelines : Ce mardi 11 octobre 2022, alors qu’elle qualifiait le Rassemblement national et ses propositions de « xénophobes », une collègue de la majorité présidentielle s’est vue infliger par la Présidente de l’Assemblée nationale un rappel à l’ordre officiel en cours de séance. La députée Panosyan-Bouvet ne faisait pourtant que s’appuyer, non seulement sur 50 années d’histoire de l’extrême droite française, documentées et étayées, mais surtout sur des amendements qui voulaient discriminer les travailleurs étrangers dans leurs droits et représentations.

Il sera donc gravé dans le marbre qu’il n’est pas permis lors de cette législature, dans le temple de la démocratie parlementaire, au cœur de la République et de son histoire, de qualifier le principal parti d’extrême droite en France de « xénophobe ». C’est un précédent.

En réalité, cette mise en demeure, cette manière de considérer une qualification politique légitime – et justifiée en la matière – ne vient pas de nulle part. Plusieurs points qui se suivent forment une ligne. Cette ligne, c’est celle d’un incroyable relativisme historique, politique, philosophique et moral qui revient à banaliser, légitimer et finalement renforcer l’extrême droite.

C’est une faute morale que de renvoyer dos à dos la gauche – fût-elle radicale – et l’extrême droite

Ce qui était au départ une tactique cynique à visées électorales est devenu une doctrine constitutive de la macronie. De la lâcheté politicienne qui consistait à privilégier les duels avec le RN aux affrontements classiques avec les forces républicaines de la gauche ou de la droite, nous sommes passés à la revendication jouissive d’une posture d’équidistance entre la gauche et l’extrême droite. Plus on banalise les élus RN, par les places qu’on leur octroie, par les passes de foot qu’on leur fait, plus on diabolise, en parallèle, une gauche qui a le défaut d’être… de gauche !

Cette manifestation s’exprime à travers un vocabulaire bien rôdé sur « les extrêmes », magma idéologique sans queue ni tête, et surtout en complète méconnaissance de ce qu’est la réalité historique et philosophique des familles politiques qui composent notre vie démocratique.

C’est une faute morale que de renvoyer dos à dos la gauche – fût-elle radicale – et l’extrême droite. C’est mettre à égalité des valeurs de rupture politique, économique, sociale avec le modèle néolibéral incarnées par des démocrates, et la détestation de l’étranger, des valeurs fondamentales de la démocratie et de l’humanisme érigée en doctrine par des identitaires racistes.

Le Pen et l’extrême droite sont aux portes du pouvoir. La macronie, par bêtise et par cynisme lui offre les derniers gages de « dédiabolisation »

C’est une faute historique que de confondre des familles politiques dont le récit suffit à montrer qu’elles ne sont ni de même nature, ni animées des mêmes principes et objectifs. D’un côté la gauche, multiple et diverse, dont toutes les branches ont concouru à inventer, construire et parfois même sauver la République et la démocratie moderne, à bâtir des droits sociaux et politiques majeurs de notre patrimoine national. De l’autre, un bloc caporalisé par une famille dont le patriarche a mis toute sa vie durant le verbe et le poing au service de la haine et du repli nationaliste, un mouvement héritier en ligne directe des ligues de 34, de la collaboration pétainiste, de l’OAS, de l’antisémitisme.

C’est une faute démocratique que de jouer avec un feu qui finira par brûler la République. Car oui, Le Pen et l’extrême droite sont aux portes du pouvoir. La macronie, par bêtise et par cynisme lui offre les derniers gages de « dédiabolisation », stratégie électorale et politique qui n’efface ni un demi-siècle de combats politiques cohérents, ni une idéologie qui n’a pas fait tout ce chemin pour se renier une fois arrivée aux commandes de l’État.

Il est temps que nos consciences s’éveillent et saisissent l’ampleur du péril qui nous guette. Dans les médias, dans les assemblées, dans nos rues et nos esprits : refusons la banalisation ultime de l’extrême droite et reconstruisons la digue républicaine dont notre démocratie a besoin. Il est minuit moins une.

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