Discours de motion de censure du Gouvernement Attal

5 février 2024
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Madame la Présidente, 

Monsieur le Premier ministre, 

Vous êtes né en 1989,

Jordan Bardella est né en 1995. 

Tous deux, vous vous proclamez porte-paroles de notre génération, faisant de votre âge un fait politique. Soit.

Je suis né en 1990. Alors permettez-moi de faire irruption pour un instant dans ce duel si souvent transformé en duo. 

Pour vous et lui la jeunesse est un alibi : 

Monsieur Bardella veut ainsi faire oublier qu’il dirige un parti vieux d’un demi-siècle, fondé par d’anciens collaborateurs des nazis, animé depuis par les obsessions identitaires, les pulsions racistes. Il est pourtant bel et bien à la tête d’un vieux clan, sous surveillance de l’héritière. 

Monsieur Attal, votre parcours, c’est l’aveu d’un parti qui lui non-plus ne revendique aucune histoire, aucune mémoire, aucune conviction et donc n’a d’autre boussole que l’opportunisme érigé en méthode de gouvernement. 

Pour moi, la jeunesse est le renouveau d’une histoire, pas son déni :  

Oui, je me reconnais dans un clivage consubstantiel à notre démocratie, entre la gauche et la droite. Mon avantage par rapport à vous ? J’entre ici avec deux cents ans d’expérience, avec un héritage collectif et des convictions qui obligent à l’humilité. 

Dans cet héritage, il y a au-dessus de tout la République. C’est la mission historique de la gauche que de la défendre quand elle est menacée, de la rétablir quand elle s’est effondrée, mais aussi de la revendiquer quand elle est dévoyée. 

Au fond, vous êtes, monsieur Attal, le meilleur ami de monsieur Bardella. 

Plus vous disloquez le pacte républicain construit autour de nos services publics, plus vous abîmez le contrat social et les mécanismes qui l’ont préservé depuis 1945, plus vous agitez ici les thèmes et les termes de l’extrême droite… plus il y a de place pour la discorde, la fracture, et au final la haine des Français les uns contre les autres, donc plus il y a de place pour l’extrême droite. 

Parfois-même, vous êtes le frère jumeau de monsieur Bardella. 

Jumeaux quand il s’agit d’infliger du travail forcé aux allocataires du RSA. 

Jumeaux quand, pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, votre majorité a voté une loi relative à l’immigration avec le soutien de l’extrême droite. 

Jumeaux quand il s’agit de reprendre les slogans de la chaîne de monsieur Bolloré et de lui offrir le départ des rares ministres qui osent dire la vérité à son sujet. 

Jumeaux dans votre conception de l’École, et je veux m’y attarder un instant parce qu’elle est au cœur de la refondation de notre pacte républicain. 

Vous et lui partagez un même diagnostic sur l’École. C’est le monde vu par Cnews.

Elle serait pour vous, l’école, malade d’un manque d’autorité. 

Mais la réalité, je l’affirme ici c’est que l’École est malade d’un manque d’égalité. 

L’École dans notre pays c’est en effet comme un hôpital qui soignerait très bien les patients… en bonne santé ! C’est la reproduction sociale.  

Et c’est en fait cette situation que vous voulez amplifier. Car vous êtes habités par une vision de la société et de l’école qui a été parfaitement bien résumée par le Président Macron lui-même. D’un côté ceux qui réussissent et de l’autre ceux qui ne sont rien. 

Votre vision de l’école c’est celle qui consiste à considérer que la réussite des meilleurs peut être entravée par ceux qui n’y arrivent pas aussi bien. 

De cette analyse procède aussi la validation morale du séparatisme scolaire, du refus de la mixité, y compris de genre, au plus haut sommet du ministère de l’éducation nationale. 

Vous voyez la République et son école comme un casino. Faisons l’« égalité des chances » et advienne que pourra ! 

Alors oui, moi j’assume, face à vos obsessions inégalitaires l’obsession de l’égalité. 

Et nous nous refusons de croire à vos fables d’une école d’antan fantasmée, nous nous voulons donner à l’école la force de la promesse républicaine, en lui octroyant les moyens nécessaires pour accomplir sa mission, en repensant la façon dont on enseigne et dont on apprend, en renforçant par l’éducation populaire, la culture, le droit aux vacances, l’alliance éducative qui permet à chaque élève de trouver confiance en lui. 

Vous êtes en train de casser notre service public d’éducation, pas après pas, marche après marche, sans que la représentation nationale puisse donner son avis et encore moins son aval.

Le collège unique c’est apprendre ensemble, faire société ensemble, ce n’est pas apprendre séparément avec la même tenue dans le même lieu.

La décision de mettre en place des groupes de niveau qui vont assigner à résidence toute une population d’élèves fragiles majoritairement issue des catégories populaires ne peut se faire un simple décret. 

Nous vous demandons de surseoir à ce projet pour permettre aux parlementaires de pouvoir en débattre et de trancher la question.

Monsieur le Premier ministre, 

Tocqueville écrivait : « Dans la démocratie, chaque génération est un peuple nouveau »

La question qui dès lors se pose à notre génération c’est celle de savoir quel peuple nous voulons être ? 

Je crois que notre génération, qui est la première pleinement consciente du péril mortel pour l’humanité que représente le réchauffement climatique, pour laquelle a été inventé le concept d’éco-anxiété, aspire à être le peuple d’une République écologique, où l’on ne se bat pas pour l’accès à l’eau, où on retrouve le plaisir d’une nature débarassée des entrepôts géants et de la bétonnisation à outrance. 

Je crois que notre génération, qui grandit dans la certitude qu’elle vivra moins bien que les précédentes et fait plus que les autres l’expérience de la précarité, aspire à être un peuple solidaire, épris de justice et d’égale dignité des êtres. Car en effet, ce n’est pas facile d’avoir 24 ans en 2024. 

Je crois que notre génération, ouverte au monde et qui vit la pluralité et la diversité comme la grande richesse de la nation, aspire à être un peuple qui vit en paix et dans le respect de chacune et de chacun, une société débarassé du racisme, des discriminations, du sexisme, de l’homophobie. 

Je crois que notre génération, la plus informée et la plus connectée de l’histoire, aspire à être un peuple citoyen, dans une démocratie vivante, bouillonnante, dans laquelle un Président ne peut se passer du consentement des électeurs ou de leur Parlement, mépriser les syndicats, les associations, les contre-pouvoirs locaux ou le pouvoir judiciaire. 

Je crois que notre génération qui est suffisamment adulte, aspire à être un peuple qui se construit plus par la conviction que par l’injonction. Elle ne veut pas de votre Service national. Les valeurs de la République ne s’apprennent pas dans les casernes, elles doivent s’éprouver dans la vie quotidienne de chacune et de chacun, et je pense notamment pour les jeunes de nos quartiers populaires. 

Je crois que notre génération aspire à l’audace, celle qui ouvre le champ des possibles. Celle qui donne à la politique toute sa beauté. 

Vous avez d’ailleurs achevé votre discours de politique générale en citant Danton : De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace. 

Mais, monsieur le Premier ministre, de l’audace il en faut pour abolir les privilèges, pas pour les faire perdurer. 

De l’audace, il en faut pour engager la révolution écologique pas pour céder aux lobbies. 

De l’audace, il en faut pour penser un autre modèle que celui qui est obsédé par la croissance et le profit, pas pour tenter de faire vivre sous perfusion le vieux modèle productiviste, les dogmes néolibéraux du millénaire dernier. 

De l’audace il en faut pour éradiquer la pauvreté et partager les richesses, pas pour stigmatiser les plus pauvres et les priver de tout droit au bonheur. 

De l’audace il en faut pour que l’on travaille mieux, moins et tous, pas pour fliquer les chômeurs, négliger les souffrances au travail et ne pas rémunérer dignement celles et ceux qui n’ont que cette force de travail pour vivre. 

De l’audace, il en faut pour protéger les Français de l’inflation, de ce calvaire que devient chaque passage à la caisse du supermarché, pas pour minimiser la réalité de leurs difficultés. 

Où est l’audace dans le macronisme de monsieur Attal ? 

Votre nomination devait incarner le retour à cet esprit du « nouveau monde » de 2017. Quelle prétention tout de même de s’arroger sans cesse le mérite de nous faire changer d’époque. La « renaissance » c’était autrement plus « disruptif » qu’un remaniement qui consacre le retour de vieilles gloires des gouvernements Raffarin et Fillon. 

Où est l’audace dans le lepénisme de monsieur Bardella ? 

Ils maquillent leurs convictions pour mieux duper les Français sur la réalité de leur projet. Ils ne font que des coups tactiques ici, uniquement pour attraper chaque colère qui passe. 

L’audace, elle chez celles et ceux qui croient qu’un autre monde est possible, qui veulent agir à la racine des désordres qui minent la société, qui veulent abolir la violence des injustice, la chappe de plomb inégalitaire qui étouffe le pays. L’audace, plus que jamais, c’est de renouer avec le serment humaniste, avec la République sociale. 

Alors je le dis en cet instant, et c’est une profession de foi. Nous ne vous laisserons pas enfermer la démocratie Française dans ce tête à tête mortifère pour la république que vous mettez en scène avec monsieur Bardella. 

Nous serons au rendez-vous des combats pour défendre les Français face aux urgences de leur quotidien, aux méfais de votre politique. Et nous serons là, le moment venu, unis, pour leur proposer le projet qui relèvera les grands défis de l’avenir de la nation. 

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