Vive les commissions d’enquête !

3 juillet 2025
Audition de la commission d’enquête sur les licenciements, le 13 mai 2025 à l'Assemblée nationale. Le président de la commission Denis Masséglia et le député et rapporteur Benjamin Lucas-Lundy

Depuis plusieurs semaines, certains éditorialistes et responsables politiques s’emploient à discréditer les commissions d’enquête parlementaires. Ces attaques ne sont pas anodines : elles visent à affaiblir l’un des rares contre-pouvoirs encore effectifs dans notre démocratie, un espace où la représentation nationale peut enfin exercer pleinement sa fonction.

Rappelons-le : le contrôle de l’action du gouvernement et des pouvoirs publics est une mission constitutionnelle du Parlement. Les commissions d’enquête ne sont pas un gadget médiatique ni un outil d’agitation politicienne : elles sont un instrument démocratique puissant, doté de vrais pouvoirs d’investigation, permettant d’aller au fond des sujets, d’entendre des témoins sous serment, d’accéder à des documents confidentiels, de révéler des vérités qui peinent à émerger.

Dans un Parlement trop souvent réduit à commenter des textes verrouillés, à subir le mépris du 49.3 ou les procédures d’urgence à répétition, les commissions d’enquête constituent un des derniers espaces où nous pouvons travailler en profondeur, pour le bien commun. Elles nous permettent de démontrer concrètement notre utilité, de reprendre la main sur l’agenda politique, et de faire vivre l’exigence de transparence et de vérité face à un pouvoir exécutif trop souvent tenté par l’opacité et le passage en force.

Qui peut sérieusement regretter que l’on enquête sur l’omerta qui entoure les violences faites aux enfants dans certains établissements ? Que l’on fasse toute la lumière sur l’usage, parfois opaque et détourné, des dizaines de milliards d’euros d’aides publiques versées aux entreprises ? Que l’on évalue la menace bien réelle de l’influence de milliardaires d’extrême droite sur nos libertés civiques et la qualité des informations qui structurent le débat public ? Que l’on cherche à protéger nos enfants et nos adolescents des dérives addictives et dangereuses des réseaux sociaux ? Que l’on comprenne enfin ce que révèle l’affaire Benalla sur l’état de notre République, sur l’indépendance de nos institutions et sur les dérives personnelles du pouvoir ?

Ces commissions existent précisément parce qu’il y a des sujets trop sensibles ou trop explosifs pour être traités par de simples débats à l’Assemblée ou des auditions sans suites. Elles sont transpartisanes par définition : leur présidence et leur rapporteur appartiennent à des groupes politiques différents, tous les groupes y sont représentés à proportion. Cette architecture garantit un équilibre et oblige à la confrontation sérieuse d’arguments, loin des caricatures. C’est aussi un espace où des majorités inédites peuvent se dessiner pour défendre l’intérêt général.

Derrière ces attaques répétées contre les commissions d’enquête, c’est un antiparlementarisme assumé qui s’exprime, souvent relayé par ceux qui ont intérêt à un Parlement faible, silencieux, docile. Il s’agit d’une stratégie consciente : affaiblir le contrôle parlementaire, c’est renforcer le pouvoir solitaire, le poids des lobbies, et couper un peu plus les citoyennes et citoyens des leviers démocratiques qui leur appartiennent. 

Cette attaque en règle contre des commissions d’enquête ciblées et contre leur existence en général même n’est pas une petite polémique de plateau ou un simple « buzz » passager : c’est un test décisif pour notre capacité collective à résister à l’effritement de nos instruments démocratiques. Derrière chaque commission d’enquête, il y a un principe simple : le droit du peuple à savoir, le droit du peuple à contrôler, le droit du peuple à juger.

En fragilisant ces commissions, c’est la démocratie elle-même que l’on affaiblit. Défendre ces outils, c’est défendre le droit des citoyennes et des citoyens à la vérité, à la transparence et à la justice. À l’heure où les crises de confiance s’accumulent, où l’extrême droite prospère sur la colère et la défiance, nous avons plus que jamais besoin d’un Parlement fort, indépendant et vigilant. Nous continuerons à en être les garants, avec gravité et détermination.

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