Mercredi 7 juin, je m’abstiens pour le vote de la Loi de Programmation Militaire 2024-2030. Voici pourquoi.
Une loi intervient toujours dans un contexte. Celui de la Loi de programmation militaire 2024-2030 est assombri par la géopolitique internationale. La guerre en Ukraine rappelle que la violence armée en Europe n’est que suspendue, pas abolie. Elle souligne aussi les impératifs de la haute intensité et, en creux, les insuffisances de nos forces armées sur ce point comme d’autres.
De Kiev à Taïwan, la guerre est une possibilité à laquelle les démocraties doivent se préparer. La loi de programmation militaire fait le choix d’une augmentation budgétaire substantielle, bien que l’inflation doive amener à la relativiser elle ne peut pas être contestée.
Cette augmentation est-elle nécessaire ? Absolument. Je crois que la France, plus grande force militaire de l’Union européenne, a un rôle international à jouer alors qu’un enhardissement de l’axe autoritaire et le péril climatique laissent craindre une tension toujours plus grande de la géopolitique mondiale. Notre armée, malgré le dévouement de ses membres, manque cruellement de moyens matériels et, dans une certaine mesure, d’effectifs. L’augmentation budgétaire permise par cette LPM est compréhensible et justifiée, dans son principe comme dans son volume.
Cette augmentation est-elle utilisée à bon escient ? Pas totalement. Il n’existe pas de bon ou de mauvais outil militaire. Il n’existe que des outils adaptés ou non à des buts politiques. Alors, vers quel emploi de nos forces nous dirige cette LPM ? Vers des objectifs parfois flous, parfois contradictoires et souvent en manque de cohérence. La France puissance Indopacifique ? Alors la LPM n’est pas satisfaisante en termes de réarmement naval. Tirer les leçons du conflit ukrainien et permettre à nos forces de se crédibiliser en matière de masse ? Alors la dotation de l’Armée de Terre est fortement insuffisante.
Quant aux enjeux intérieurs, et notamment en ce qui concerne les conséquences du dérèglement climatique, ils sont peu abordés. Les particularités ultramarines, la multiplication des catastrophes naturelles et plus généralement la résilience du territoire ne sont que trop peu développées. De fait, la proposition du groupe écologiste-NUPES concernant un dispositif de réserve environnementale pour soulager nos forces armées sur des tâches secondaires sur le territoire national n’a pas été adoptée.
Face au retour de la guerre en Europe, au nécessaire rempart aux autoritarismes et afin de démontrer la crédibilité et la volonté de la gauche pour exercer le pouvoir, voter “contre” la LPM n’était pas envisageable. Voter “pour” serait en approuver les orientations stratégiques floues et contradictoires.
En m’abstenant, je fais avec mon groupe le choix de la responsabilité : assumer nos désaccords de fond avec le gouvernement sur la vision de notre sécurité nationale tout en permettant à l’armée française de se renforcer face à la tempête. Et contribuer à préparer ainsi l’alternance que nous nous efforçons chaque jour de faire advenir pour demain.